Peu de gens s’intéressent encore à l’Accord de Partenariat Economique (APE) entre l’Union européenne (UE) et les pays et régions d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Pourtant, loin d’être arrêté par les vives contestations et oppositions, notamment des organisations de la société civile mais aussi de certains Etats et acteurs de secteur privé, cet accord continue d’être négocié dans certaines régions tandis qu’il est mis en œuvre dans d’autres.
Le processus de négociations a connu des fortunes diverses dans les Communautés économiques régionales africaines. L’hétérogénéité des situations, la faiblesse des résultats obtenus après près de 18 ans de négociations ainsi que les impacts négatifs sur l’intégration régionale, dans certains pays, semblent confirmer les menaces et dangers qui étaient perçus par la société civile dès de lancement de ces négociations.
En effet, plutôt que de renforcer l’intégration régionale, ce qui était l’un de ses objectifs, les APE ont eu plutôt eu un effet désintégrateur dans la plupart des régions africaines. Beaucoup d’États non PMA, qui avaient démarré les négociations dans le cadre de leur bloc d’intégration régionale ont été obligés de signer seuls des APE intérimaires pour ne pas perdre le bénéfice de l’accès au marché de l’UE. Ces APE intérimaires sont en train d’être mis en œuvre dans plusieurs pays, avec des effets négatifs sur l’intégration régionale.
Afrique de l’Ouest : dans cette région, les 15 pays membres de la CEDEAO se sont associés à la Mauritanie pour négocier l’Accord. Celui-ci a été paraphé en 2014 avant d’être signé en 2015 par 13 pays, sauf le Nigeria, la Mauritanie et la Gambie. Ces deux derniers ont rejoint l’accord respectivement en septembre et en aout 2018. Le Nigeria est à ce jour le seul pays qui n’a pas signé. Aucun pays de l’Afrique de l’Ouest ne l’a ratifié. Alors que l’APE régional stagne, la Cote d’Ivoire avait signé en 2008 un APE intérimaire qu’elle a ratifié en 2016. L’accord est entré en vigueur la même année. La libéralisation est effective depuis le 6 décembre 2019. Depuis cette date, les produits européens couverts par la libéralisation tarifaire rentrent en principe en Côte d’Ivoire sans droits. En ce qui concerne le Ghana, il a signé et ratifié l’APE en 2016. Il a démarré la libéralisation tarifaire en 2020.
L’un des effets de la non mise en œuvre d’un APE régional est la perturbation du processus d’intégration qui s’est manifestée à travers l’apparition de cinq régimes commerciaux différents vis-à-vis de l’UE : (i) l’APE de la Côte d’Ivoire à travers lequel cette dernière commerce avec l’UE; (ii) l’APE du Ghana qui régit les échanges entre le Ghana et l’UE; (iii) le dispositif « Tous sauf les armes » en faveur des 11 Pays les Moins Avancés (PMA); (iv) le Système Généralisé de Préférences (SGP) (simple) pour le Nigeria; (v) le Système Généralisé de Préférence Renforcé pour le Cap Vert.
L’Afrique Centrale : cette région n’a pas signé l’APE en tant que région. A la place c’est le Cameroun qui a signé l’accord en 2009 et l’a ratifié en 2014. L’accord est effectif depuis 2016. Le Cameroun a cependant suspendu le démantèlement tarifaire depuis la survenue de la COVID 19 à cause des impacts négatifs sur ses recettes fiscales. Les discussions entre l’Afrique centrale, en tant que région, et l’UE sont suspendues depuis plusieurs années.
La Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) : Cette configuration régionale a paraphé l’APE régional en octobre 2014. Seuls le Kenya et le Rwanda l’ont cependant signé. Les autres pays, en particulier la Tanzanie, se sont exprimés contre l’Accord. Les perspectives d’évolution de l’APE dans cette région sont encore incertaines.
La SADC : l’Accord régional a été paraphé en 2014. Il a été signé et approuvé par les États membres de la SADC et de l’UE en 2016. Il fait l’objet d’une application provisoire depuis 2016. Le Mozambique a démarré l’application en 2018.
L’Afrique orientale et australe (AfOA) : l’Ile Maurice, les Seychelles, Madagascar et le Zimbabwe ont signé dès 2009 un APE intérimaire avec l’UE. L’Accord a fait l’objet d’une application provisoire à partir de 2012. L’Union des Comores a rejoint le groupe en 2019. Les négociations en vue de l’élargissement de la portée de l’Accord sont en cours.
Dr Cheikh Tidiane DIEYE, Directeur exécutif du CACID